Biologie, épidémiologie
- Conservation, sources d'inoculum
Phaemoniella chlamydospora est isolé très fréquemment à partir des ceps de vigne jeunes ou âgés exprimant ou non des symptômes d'esca. Il l'est aussi à partir des porte-greffes, des racines et du sol. Il se conserve sur la vigne par l'intermédiaire de son mycélium mais surtout de ces pycnides qui se forment notamment à proximité des plaies de taille âgées, dans les zones protégées de l'écorce (craquelures, fentes) ou sous cette dernière. Phaeoacremonium aleophilum fructifie et se conserve également dans les anfractuosités de l'écorce.
Ces deux champignons sont aussi associés à d'autres plantes hôtes que la vigne pouvant assurer leur multiplication et leur conservation, et jouant le rôle de sources d'inoculum lorsqu'elles sont situées à proximité des parcelles de vigne. P. aleophilum est décrit notamment sur aulne, saule, prunus, kiwi et olivier. Fomitiporia mediterranea est présent sur de nombreux hôtes dont le chêne, le frêne, le bouleau, le sorbier, le peuplier, le kiwi et le pommier (figures 1 et 2) qui assurent aussi sa pérennisation d'une année à l'autre.
- Pénétration, invasion
Les conidies issues des pycnides de P. chlamydospora (figure 3) polluent les plaies de taille, puis y pénètrent durant l'hiver, lors de périodes climatiques douces et pluvieuses. Notons que des infections peuvent aussi avoir lieu par l'intermédiaire de toute autre blessure, ceci tout au long de l'année. P. aleophilum (figure 4) est aussi capable de contaminer les plaies de taille, le plus fréquemment pendant la période végétative de la vigne (épamprages, ébourgeonnages, etc.) ; des pics d'émission des conidies ont été observés durant tout ce laps de temps.
Une fois dans la souche, le mycélium de P. chlamydospora colonise progressivement les différents tissus présents. L'infection par P. aleophilum des tissus ligneux du xylème de la vigne conduit à une nécrose de couleur brun rose partant toujours de la moelle. En association avec P. chlamydospora, il forme ''la pré-nécrose'' de l'esca. F. mediterranea, considéré comme secondaire, dégrade les parois cellulaires des plantes grâce à une batterie d'enzymes émises dans les tissus.
La période d'incubation est généralement assez longue, approximativement de 5 à 8 années.
- Dissémination
P. chlamydospora produit des pycnides à la surface des troncs dans les anfractuosités des écorces, dans lesquelles sont formées de nombreuses conidies. Celles-ci sont disséminées par l'eau et le vent. P. aleophilum fructifie également dans sur les mêmes supports végétaux et ses conidies sont dispersées de la même façon. Les carpophores (ou basidiomes, figure 1) de F. mediterranea sont parfois observés à la surface des ceps atteints. Les basidiospores produites, issues de la reproduction sexuée, assurent majoritairement la dissémination de ce champignon par voie aérienne.
Soulignons que P. chlamydospora et P. aleophilum sont présents à l'état épiphytique ou endophyte sur et dans les bois de vigne d'un an. Ils sont donc susceptibles d'être propagés par les bois servant à réaliser les greffons et les porte-greffes, et de contaminer les plants via diverses blessures présentes sur ces derniers.
Ainsi, en pépinière, les contaminations du matériel végétal par P. chlamydospora sont possibles durant les différentes étapes du processus d'élaboration des plants, notamment lors de la stratification à l'eau ou à la sciure. Notons que le développement de ce champignon dans le jeune bois de vigne et son aptitude à former des nécroses peuvent considérablement dépendre des conditions de culture.
Lors de la réalisation des plants, la transmission des champignons présents sur les bois d'un an peut se faire via les bains de réhydratation et les outils de greffage, ou encore lors de la stratification en pot. Notons que l'impact épidémique des plants contaminés dans le vignoble n'est pas connu avec précision. La présence de champignons associés à l'esca dans un jeune pied de vigne ne signifie pas que le cep va obligatoirement exprimer rapidement la maladie.
- Facteurs favorables
L'esca est influencé par de nombreux facteurs plus ou moins bien connus comme par exemple les conditions climatiques. Les étés doux et pluvieux sont favorables à l'expression de la forme lente, alors que des températures estivales élevées conduisent à la manifestation de la forme apoplectique de la maladie. Le taux de maladie varie aussi énormément d'une parcelle à l'autre en fonction de l'âge des ceps, du cépage et de la nature du porte greffe, et des conditions pédo-climatiques.
Le système de conduite influence fortement l'incidence de cette maladie. En effet, la taille, en plus de générer des plaies permettant les infections, est à l'origine de la mise en place dans les ceps de nombreux cônes cicatriciel de bois sec dont la dimension et la localisation des uns par rapport aux autres engendrent des difficultés de circulation de la sève. Ce phénomène peut être problématique pour certains modes de taille et constituer un facteur aggravant du syndrome de l'esca, notamment en ce qui concerne la forme apoplectique.
Des différences de comportement à l'esca (et au BDA) entre cépages se manifestent sur le terrain. Le sauvignon, le cabernet sauvignon, le chenin, l'ugni blanc et l'auxerrois sont les plus sensibles. Le pinot noir, le grenache, et le muscat apparaissent moins malades. Les caractéristiques du porte-greffe ont des répercussions sur la manifestation de cette maladie. Les porte-greffes conférant une forte vigueur ou ceux mal adaptés à un facteur limitant du sol semblent montrer des taux de mortalité plus élevés.
Le contexte cultural influe également sur l'esca. Il a été montré que dans les parcelles à forte réserve utile, caractérisée par une alimentation hydrique non limitante, le taux de maladie sur le cépage sensible cabernet sauvignon était plus important que dans des parcelles où les ceps subissaient une contrainte hydrique.