Champignon très cosmopolite et polyphage, il est surtout signalé dans de nombreux pays producteurs de tomate et de pomme de terre, sur tous les continents.
Plutôtfréquent et sousestimé sur aubergine affectant en particulier les cultures sous abris, que les plantes soient greffées, voire franches de pied.
Soulignons que la "monoculture" de plants de tomate et d'aubergine greffés sur porte-greffes de type KNVF, est à l'origine de la forte extension dans de nombreux sols de ce champignon parasite.
Il fait surtout parti d'un complexe parasitaire racinaire de plusieurs bioagresseurs telluriques classés en fonction de leur incidence décroissante : Colletotrichum coccodes, Meloidogyne spp., Phytophthora nicotianae, Pyrenochaeta lycopersici, Rhizoctonia solani, Globodera tabacum.
Les isolats de C. coccodes semblent présenter des pouvoirs pathogènes, des taux de croissance, et des dimensions de sclérotes assez variables.
Organes attaqués: principalement les racines qui peuvent être entièrement colonisées.
Symptômes :
Lésions sur racines d'extension étendue, humides, brunes à noires, parfois superficiellement subérisées. Elles sont présentes en faible nombre sur les racines principales.
Les radicelles sont peu nombreuses, voire inexistantes, car une pourriture brune corticale les a détruites. Le cortex des racines principales présente des lésions brun foncé, plus ou moins subérisées.
Une pourriture de la base de la tige a parfois été signalée. Le cortex décomposé se détache par endroits du cylindre central.
En culture hors sol, les racines attaquées sont peu développées, décolorées et partiellement décomposées.
Des flétrissements foliaires secondaires plus ou moins réversibles sont constatés, ainsi que le dépérissemment de certaines plantes.
Signes: acervules de 200 à 300 µm de diamètre, produisant des conidies cylindriques, hyalines et non cloisonnées (16-24 x 3-7,5 µm) qui sont immergées dans une matrice gélatineuse qui les protège de la dessiccation. Des microsclérotes, de taille souvent inférieure au millimètre, se forment également dans les tissus.
Confusions possibles : Rhizoctonia solani, Oomycètes (Pythium et Phytophthora spp.)
Biologie
Conservation : piètre compétiteur dans le sol, Colletotrichum coccodes s'y conserve quand même aisément, sur les débris végétaux ou non, grâce à ses sclérotes qui lui permettent de s'y pérenniser plusieurs mois, voire plusieurs années.
Capable de coloniser au moins 58 espèces végétales appartenant à au moins 19 familles botaniques, en premier lieu les légumes appartenant aux familles des Solanacées (tomate, poivron, aubergine, pomme de terre) et des cucurbitacées (pastèque) qui pourront jouer le rôle d'hôtes alternatifs ou contribuer à l'augmentation de l'inoculum du sol.
Il aurait été inoculé avec succès au fraisier et à l'oignon. Plusieurs mauvaises herbes assurent les mêmes fonctions : Solanum capsicastrum, S. dulcamara, S. nigrum, Abutilon theophrasti, Amaranthus retroflexus, Chenopodium album, Convolvulus arvensis, Capsella bursa-pastoris).
Il a aussi été isolé sur les racines de diverses plantes ne présentant pas de symptômes : chou, laitue, cresson, moutarde blanche, chrysanthème Nous l'avons isolé à plusieurs reprises à partir de l'eau utilisée pour des cultures hors sol, eau provenant de bassins de stockage à ciel ouvert.
Sources d'inoculum : les sclérotes sont susceptibles de produire du mycélium ou des acervules, dans lesquelles sont formées des conidies.
Infection : des appressoria issues des conidies se forment au contac des racines. De plus, les sclérotes et par la suite le mycélium entrant en contact avec les racines peuvent aussi entraîner des infections.
Une fois en place, le champignon colonise les tissus sous-cuticulaires ou du cortex par l'intermédiaire de son mycélium, et exerce son parasitisme par l'intermédiaire d'une protéase extracellulaire.
Notons que la colonisation des racines augmente avec leur âge.
Développement, sporulation : il colonise rapidement les tissus du cortex et des vaisseaux qu'il fait pourrir. Dans les tissus lésés, il produit de nombreuses chlamydospores. Il en forme aussi à la surface des racines, en même temps qu'une multitude d'endoconidies.
il produit des acervules intra- ou sous-épidermiques, matérialisant sa multiplication asexuée (figures 1 à 3)., ainsi que de nombreux sclérotes brun foncé à noirs.
Dissémination : les conidies comme les sclerotes assurent la dissémination de ce champignon, qui s'effectue par les éclaboussures, les travailleurs, l'eau ruisselant ; les particules de sol transportées par les engins aratoires contribuent également à sa dispersion. Il est également facilement disséminé par la solution nutritive dans les cultures hors sol, et ce d'autant plus si celle-ci est recyclée.
Conditions favorables : il se développer dans une gamme de températures assez large, même si la germination de ses conidies est optimale à 22°C. La monoculture d'aubergine ou de porte-greffes de type KNVF sur un même sol entraîne une augmentation du taux d'inoculum dans celui-ci, et donc une agravation des symptômes racinaires. Les sols humides, les excès de salinité prédisposeraient les plantes aux attaques de C. coccodes.
Protection
Réaliser des rotations culturales préventivement, avant que le sol ne soit fortement contaminé. Elles devront durer au moins 3 à 4 années. Bien sûr, les autres plantes entrant dans la rotation ne seront pas sensibles. De plus, les mauvaises herbes susceptibles d’héberger le champignon seront éliminées des parcelles.
Désinfecter les sols fortement contaminés (solarisation, biofumigation, fumigant, etc.).
Désinfecter les sacs, pots, gouttières des cultures hors-sol infestées, ou les remplacés.
Choisir un sol drainant, bien travaillé : un bon sous-solage permettra aux racines d’accéder à des couches neuves.
Utiliser des substrats sains (désinfectés) et éviter de poser les mottes à même le sol. En effet, elles se contaminent souvent au contact de ce dernier, en particulier si celui-ci n’a pas été désinfecté.
En présence de flétrissements en cours de culture tenter de maintenir les plantes en vie le plus longtemps possible ; pour cela il convient :
de les butter afin de favoriser l’émission de racines adventives qui pourront suppléer les racines anciennes altérées. En culture hors sol (sur tourbe ou sur pouzzolane + tourbe) et lors de graves attaques, de la tourbe peut être apportée localement au collet afin de permettre un enracinement complémentaire. De la sciure de bois est parfois utilisée ;
de les bassiner aux périodes les plus chaudes de la journée pour éviter des évaporations trop importantes et non compensées, conduisant au flétrissement, au dessèchement et à la mort des plantes ;
de surveiller attentivement l’irrigation. En effet, si les plantes flétrissent, ce n’est pas forcément lié à un manque d’eau, mais plutôt aux altérations racinaires dues à Colletotrichum coccodes. Dans certains cas, les producteurs ont tendance à augmenter l’irrigation pour répondre aux flétrissements, ce qui conduit à amplifier les lésions racinaires par asphyxie.
Eliminer et de détruire soigneusement les plantes malades et leur système racinaire en cours et en fin de culture.
À notre connaissance, aucune résistance aux attaques racinaires de C. coccodes n’a été décrite. Le greffage n’est pas une alternative envisageable, car les porte-greffes de type KNVF sont sensibles à C. coccodes, et leur utilisation intensive conduit à une augmentation inexorable des dégâts sur racines.