Phytotoxicités sur melon
* Rappelons que l'utilisation d'un herbicide sur une culture ou à proximité n'est jamais une opération totalement anodine. Les risques de provoquer une phytotoxicité ne sont jamais totalement écartés. Les inhibiteurs de la division cellulaire, de la synthèse des acides gras et des acides aminés ainsi que les phytohormones sont les plus impliqués dans des malformations foliaires et racinaires chez le melon.
D'autres pesticides, par exemple des insecticides et des fongicides utilisés seuls ou en mélange, des substances comme des engrais, peuvent aussi être à l'origine de phytotoxicités sur melon.
Feuilles
- Des déformations foliaires
- développement ralenti des plus jeunes feuilles, pouvant aller jusqu'à un arrêt total de la croissance ; les plantes présentent à terme un aspect rabougri, surtout si la phytotoxicité est survenue prématurément ;
- feuilles partiellement ou totalement déformées (figures 1 et 2), légèrement dentelées ou plus irrégulièrement découpées (figures 3 et 4), marbrées, cloquées et plus ou moins enroulées ;
- la distorsion et/ou l'enroulement plus ou moins marqué des feuilles, qui peuvent être plus courtes, filiformes (figure 5) et présenter des tissus fortement épaissis ;
- l'aspect tire-bouchonné, chiffonné (figure 6) de toutes les feuilles...
- Des décolorations foliaires
- jaunissement en taches, en plages plus ou moins bien délimitées, évoluant parfois vers la nécrose des tissus ;
- jaunissement des nervures et des tissus contigus (figure 7) ;
- jaunissement des jeunes feuilles de l'apex (figure 8) ;
- jaunissement diffus du limbe entre les nervures (figure 9) ;
- jaunissement de la périphérie du limbe (figure 10) ;
- jaunissement diffus de l'ensemble du limbe ;
- jaunissement inter-nervaire du limbe plus ou moins homogène (figure 11) , évoluant parfois vers le blanchiment des tissus ;
- blanchiment du limbe ...
D'autres anomalies de coloration peuvent se manifester : teinte verdâtre à livide des feuilles, aspect terne et/ou bronzé du limbe (figure 12).
- Des lésions et des taches foliaires
- Lésions, taches chlorotiques plus ou moins étendues, devenant rapidement nécrotiques...
Bien souvent, seules les feuilles bien exposées (par exemple à proximité des ouvertures en culture sous abris) ou situées d'un seul côté des plantes sont touchées. Sur celles-ci, les symptômes sont particulièrement marqués aux endroits où il a pu y avoir une rétention plus importante de la suspension du ou des produits.
- Des flétrissements et des dessèchements foliaires (figure 16)
Rameaux, collet, racines
Nous avons parfois constaté sur de nombreux melons cultivés en plein champ un gonflement de leur collet provoqué par l'utilisation inadaptée d'un herbicide appartenant à la famille chimique des toluidines (pendiméthaline) (figure 17). Ce même symptôme se manifeste aussi dans les mêmes conditions sur d'autres cultures comme la Tomate. Sur Melon, cela prend des proportions très spectaculaires car cette espèce est très sensibles aux herbicides. Dans le cas présent, le pendiméthaline inhibe le développement des racines latérales ; le gonflement est du aux nombreuses ébauches de racines stoppées dans leur développement.
Fruits
La cuticule assez fragile des jeunes fruits, légèrement agressée par le ou les pesticides pulvérisés, se couvre d'une multitude de lésions d'abord huileuses et plus ou moins en relief (figures 18 et 19). Ces dernières sont souvent localisées à la face du fruit la plus exposée. Lorsque la pulvérisation est importante, il peut y avoir accumulation de la suspension sous les fruits au contact avec le paillage plastique. C'est alors à ce niveau que l'on pourra constater des symptômes. Par la suite, ces altérations cicatrisent et confèrent plus ou moins localement à la cuticule un aspect liégeux (figure 20). Les tissus altérés et liégeux ont perdu leur élasticité et il se produit ultérieurement à leur niveau des éclatements plus ou moins importants, lorsque les fruits grossissent.
L'origine d'une phytotoxicité est assez difficile à déterminer. En effet, bien souvent le producteur réfute la possibilité d'avoir effectué une erreur ou subi un préjudice, à l'origine des dégâts. L'étude de la répartition dans le temps (date d'apparition des premiers symptômes et évolution) et dans l'espace (répartition des plantes malades dans la parcelle et évolution) des symptômes induits par cette phytotoxicité permet, dans la majorité des cas, d'en confirmer la cause.
- Répartition dans le temps des symptômes
- très court (la relation de cause à effet est rapide), immédiatement après l'application d'un pesticide sur la culture ou à proximité (sous la forme d'embruns) ;
- assez long dans le cas, par exemple, d'un mauvais précédent cultural (précédente culture annuelle ou pérenne, désherbée par un herbicide rémanent ou mal lessivé à la suite d'un hiver sec ; culture pérenne désherbée pendant plusieurs années (cette situation conduisant à une accumulation de produit dans le sol ) ou à la suite d'apport de paille provenant d'une culture de céréale désherbée ou d'un fumier constitué à partir de paille de même nature.
- Répartition dans l'espace des symptômes
- Si le composé phytotoxique est apporté au niveau du feuillage (herbicide foliaire, insecticide ou fongicide sur-dosés ou appliqués dans de mauvaises conditions...), la répartition des plantes malades pourra être :
. généralisée et homogène ;
. en début de ligne ;
. sur une face des plantes.
- Si le composé est présent dans le sol sous la forme de résidus (herbicide racinaire..), la répartition des plantes affectées pourra être :
. généralisée et plus ou moins homogène ;
. répartie au hasard sur l'ensemble de la parcelle.
Des différences de sensibilité variétales peuvent se manifester chez le melon. Ainsi, si vous cultivez plusieurs variétés en même temps, vous pourrez peut être observer une répartition par secteurs de plantes malades et de plantes saines correspondant à des variétés différentes.
Par ailleurs, nous vous conseillons aussi de regarder toutes les mauvaises herbes encore présentes dans la culture ou d'autres plantes cultivées à proximité qui ont pu subir la même phytotoxicité et donc exprimer les mêmes symptômes. Si c'est le cas, cela confirme en partie l'hypothèse d'une maladie non parasitaire, et probablement d'une phytotoxicité si d'autres informations confirment cette éventualité.
Se poser les bonnes questions !
Pour confirmer une phytotoxicité, nous vous suggérons de vous poser au moins les questions suivantes :
- La précédente culture a-t-elle été désherbée avec des herbicides rémanents ?
- Des traitements herbicides ont-ils été réalisés à proximité de votre culture ?
- Avez-vous bien rincé votre matériel de traitement ?
- Entretenez-vous bien votre matériel de pulvérisation (nettoyage, calibrage) ?
- Avez-vous utilisé le bon produit, à la bonne dose ?
- Avez-vous respecté les recommandations d'utilisation indiquées sur l'emballage ?
- Avez-vous mélangé des produits incompatibles entre eux ou trop de produits ensemble ?
- Les applications ont-elles eu lieu dans de bonnes conditions, de vent et de température notamment ?
- Un fumier avec de la paille a-t-il été apporté dans la culture ?
- Etes-vous sûr de la qualité de l'eau d'irrigation, n'a-t-elle pas pu être polluée par un herbicide notamment ?
Quoi faire ?
Bien qu'il n'existe pas de solution miracle dans cette situation, vous pouvez adopter les mesures suivantes :
- bien définir l'origine de la phytotoxicité ;
- empêcher qu'elle ne se manifeste une nouvelle fois ;
- ne pas éliminer les plantes immédiatement, les conduire normalement et observer leur évolution ; cette dernière dépendra surtout de la nature, de la dose et de la rémanence du ou des produits en cause, du stade de croissance des plantes, du type cultivé et de la variété.
Aucune autre mesure spécifique ne peut être recommandée.