Les coléoptères nuisibles ou potentiellement nuisibles à la vigne
De nombreuses espèces de coléoptères se nourrissant sur vigne ont été décrites mais celles réellement nuisibles sont actuellement au nombre d’une quinzaine environ. Certaines se nourrissent sur des ceps ou sarments dépérissants et ne sont donc pas considérées comme des ravageurs. De même certaines espèces comme le gribouri, les hannetons ou l’altise, autrefois très nuisibles, se rencontrent maintenant très rarement mais sont potentiellement capables de réapparaitre. Environ 7 familles de coléoptères contiennent des espèces potentiellement nuisibles à la vigne.
On peut classer ces ravageurs en plusieurs catégories selon les dégâts qu’ils causent :
- les mangeurs de feuilles appartenant aux Chrysomelidae, Curculionidae, et Scarabaeoidea ;
- les souterrains consommant les racines dans les familles des Cerambicidae et Scarabaeoidea ;
- les endophytes avec les Bostrichidae.
Alerte au risque invasif du scarabée japonais, Popillia japonica |
- Bostrichidae
Ces petits insectes xylophages s’attaquent surtout au bois sec ou dépérissant, où l’adulte creuse des galeries et pond. Ce ne sont donc pas des ravageurs primaires de la vigne, mais les adultes peuvent se nourrir dans le bois vivant. Ce sont surtout des ravageurs de faiblesse. Plusieurs espèces de bostriches sont considérées comme nuisibles au vignoble.
Sinoxylon sexdentatum (Olivier, 1790) (apate de la vigne), et plusieurs autres espèces comme S. perforans, Schistoceros bimaculatus (Olivier, 1790), Bostrichus capucinus (Linnaeus, 1758), Apate monachus Fabricus 1775, Lichenophanes varius (Illiger, 1801), Xylopertha retusa (Olivier, 1790) peuvent être observées sur vigne en Europe et sont aussi nuisibles aux espèces fruitières et forestières. Ce sont surtout les deux premières espèces qui sont observées en France au vignoble.
L’apate de la vigne (S. sexdentatum) est observé surtout autour du bassin méditerranéen et dans le Sud-Ouest de la France métropolitaine. Ce petit coléoptère mesure 4,5 à 5,5 mm de long, avec un grand prothorax masquant la tête (figure 1). Le thorax est noir et rugueux et les élytres brun rouge et ponctués sont munis dans la partie postérieure d’épines caractéristiques. Les antennes de 10 articles sont terminées en massue à 3 feuillets. La larve avec une tête rousse est pourvue de pattes bien développées et mesure 5-6 mm. L’œuf est crème et ovale.
- Bupestridae
Agrilus derasofasciatus Boisduval & Lacordaire, 1835 (agrile de la vigne, figure 2) : les adultes peuvent être facilement observés de mai à août sur les feuilles, ils mesurent 4 à 6 mm de long. Cet insecte est de forme très allongée, de couleur vert olive métallique. La face supérieure est ornée d'une ponctuation fine et dense, à pubescence claire courte peu visible. Les antennes sont courtes et épaisses. Le pronotum est fortement transverse. C'est la larve qui vit dans les rameaux, creusant des galeries spiralées. Toutefois les dégâts liés à cette espèce sont négligeables.
- Cerambicidae (ou longicornes)
Beaucoup d’espèces de cette famille, reconnaissables au corps allongé et aux très longues antennes, sont xylophages surtout au stade larvaire mais une seule est nuisible au vignoble : le vespère ou menge-mallol, Vesperus xatarti. Clytus arietis, qui n’est pas un ravageur de la vigne est souvent observé car les larves vivent dans les piquets de bois (figure 3).
- Chrysomelidae
- Alticinae (ou Galerucinae Alticini selon les classifications, flea beettle)
L’altise de la vigne ou pucerotte, Altica ampelophaga Guérin-Méneville, 1858 (proche de Altica lythri, espèce vivant surtout sur les épilobes) est une espèce méditerranéenne, dont des pullulations locales sont observées de temps à autre. Autrefois, les dégâts causés par l’altise pouvaient être importants.
L’adulte est brillant de couleur bleu-vert plus ou moins métallique et mesure 3,5 à 5 mm de long. Les fémurs sont renflés permettant le saut (figure 4). C’est l’adulte qui hiverne et se nourrira des jeunes bourgeons au débourrement, puis à lieu la ponte sur les feuilles (face inférieure). La larve, d’abord noirâtre puis jaunâtre et mesurant 7 à 8mm (figure 5) apparait vers fin avril, début mai et celle-ci se nourrit en décapant la face inférieure de la feuille puis la face supérieure ne laissant parfois que les nervures. Lors d’infestations importantes, on peut observer des dégâts sur rafles et grappes. La larve descend ensuite pour se nymphoser dans le sol. Il peut y avoir 2 à 3 générations par an.
Régulation biologique : quelques espèces de parasitoïdes ont été décrites comme Medina luctuosa (Meigen, 1824) (anc. Degeeria luctuosa diptère parasitoide de la famille des Tachinidae) ou Perilitus brevicolis (hyménoptère parasitoide de la famille des Braconidae). Ces insectes sont attirés par les ombellifères au stade adulte. Par ailleurs, le prédateur Entomognathus brevis hyménoptère sphégien de la famille des Crabronidae, dont le nid est creusé dans les sols sableux, nourrit ses larves avec les altises.
- Eumolpinae
Le gribouri ou écrivain Bromius obscurus (Linnaeus, 1758) (anc. Adoxus obscurus), appelé aussi eumolpe de la vigne ou diablotin, qui était considéré comme un ravageur majeur au XIXème siècle est devenu négligeable. Cette espèce qui vit aussi sur les épilobes est présente dans toute l’Europe.
L’adulte de 5-6 mm de long est trapu avec la tête et le thorax noir, les élytres sont brun rouge à brun noir. Les 4 premiers articles des antennes sont roux, les autres noirs. L’œuf est jaune pâle, la larve âgée est blanchâtre avec une tête brun clair et mesure 7-8 mm. C’est une espèce parthénocarpique.
L’adulte qui apparait en fin de printemps se nourrit sur les feuilles en faisant des perforations et des incisions caractéristiques sur la feuille, qui rappelle une écriture. Cet imago vit 3 mois et peut s’attaquer aux jeunes rameaux (décortications) et à la cuticule des baies (figure 6). Ces blessures causées par la nutrition des adultes favorisent le développement de champignons et attire certains insectes. En été la femelle pond ses œufs à la base du cep sous l’écorce. La larve se nourrit sur les racines. En hiver elle s’enfonce dans le sol. La nymphose a lieu au printemps.
Il semble que les larves ne soient pas capables de se développer complètement sur porte-greffe américain et sur les hybrides.
- Galerucinae
Le malacosome du Portugal, Exosoma lusitanicum (Linnaeus 1767), (anc. Clythra lusitanica ou Malacosoma lusitanica) est appelé aussi galéruque des narcisses, car le développement larvaire se fait sur liliacées. Cette espèce est méditerranéenne et se rencontre principalement dans les vignes du Sud de la France.
Cet insecte est assez mal connu, mais facilement reconnaissable (figure 7). L’adulte diurne et grégaire, long de 7 à 9 mm, a des antennes de 11 articles qui sont noires avec un anneau roussâtre. La tête est noire et les élytres sont jaune orangé comme l’abdomen. Les larves en fin de développement, longues de 17 à 18 mm sont claires presque blanches, mais ne vivent pas sur la vigne à ce stade.
Cet insecte s’attaque surtout aux vignes des coteaux secs. Le malacosome ronge les bourgeons et les feuilles grâce à ses fortes mandibules, mais laisse les nervures principales. Il peut s’attaquer à d’autres espèces ligneuses comme les fruitiers ou bien des herbacées. L’adulte apparait en mai-juin au vignoble puis ensuite quitte la vigne.
- Curculionidae
La famille des curculionidés contient de très nombreuses espèces dont beaucoup sont des ravageurs notables des cultures et sont reconnaissables par le rostre prolongeant la tête et leurs antennes coudées. Les larves sont apodes et blanches.
Parmi les espèces s’attaquant à la vigne, mais pas seulement à cette culture, on peut citer : les otiorhynches avec Otiorhynchus sulcatus (Fabricius, 1775), O. ligustici, O. griseopunctatus, O. impressiventris, O. singularis ; le péritèle gris, Peritelus sphaeroides Germar 1824, P. noxius, P. senex ; et le cigarier, Byctiscus betulae (voir la fiche), classé maintenant dans la famille des Atelabidae, Rhynchitinae.
Les otiorhynches sont bien moins observés qu’autrefois sur la vigne où ils pouvaient pulluler. On peut les voir parfois très localement. Ils sont surtout considérés actuellement comme des ravageurs des cultures horticoles. Ces charançons ne volent pas (les élytres sont soudés) et possèdent des dents sur les fémurs. O. sulcatus appelé aussi otiorynche de la vigne, mesure 8-10 mm, est de couleur noir brillant, orné de gros granules saillants avec une pilosité dorée. La larve est blanchâtre, arquée (figure 8), atteignant 10-12 mm au dernier stade, avec une capsule céphalique brun clair. L’œuf arrondi de 1 mm est brun puis noir.
L’adulte, nocturne, mangent les bourgeons, les feuilles et les fleurs en fin de printemps (dégâts similaires aux chenilles). Pendant la journée, l’insecte se cache dans le sol. La multiplication est parthénogénétique et la femelle pond jusqu’à 200 œufs dans le sol. La larve se nourrit de racines pendant 1 à 2 ans et se nymphose au printemps (figure 8) (plus d'infos). La protection biologique peut se faire avec des nématodes entomopathogènes du genre Heterorhabditis (plus d'infos).
Le péritèle gris (Peritelus sphaeriodes Germar, 1824) est aussi un coupe-bourgeons, polyphage, assez nuisible sur fruitiers à pépins. L’adulte de Peritelus sphaeriodes est en forme de poire, de couleur gris cendré avec quelques taches sombres sur les élytres (figure 9). Le corps mesure 5-7 mm et le rostre est court. La larve qui fait 9-10 mm en fin de développement est semblable à celle de l’otiorhynche. L’œuf est ovale et blanc rose.
Les adultes hivernent dans le sol, et apparaissent tôt au printemps rongeant les bourgeons et peuvent aussi consommer les jeunes feuilles. La ponte a lieu en avril au pied des ceps, et les larves lorsqu’elles sont nombreuses font des dégâts sur les racines. La larve se nymphose dans une coque terreuse, et la nouvelle génération d’adulte parait en été. Si la population est abondante, les insectes sont actifs aussi dans la journée.
- Scarabaeoidea
De nombreux ravageurs potentiels de la vigne sont rattachés à cette super famille, dont la classification peut varier selon les écoles et dont les différentes familles présentées ici sont souvent regroupées dans celle des Scarabaeidae. Les antennes de ces insectes sont en massue, dont l'extrémité peut s'ouvrir en un éventail de feuillets (lamellicornes, figure 10). Les élytres sont généralement tronqués à leur extrémité montrant l'abdomen. La plupart des espèces volent bien.
La plupart des larves sont mélolonthoides c'est à dire recourbées en C avec une tête sclérifiée et munies de pattes à ongles puissants et dont le dernier segment abdominal est dilaté renfermant la poche rectale translucide. Ces larves sont appelées communément vers blancs (figure 11).
- Cetoniidae
Dans cette famille, les cétoines dites velues, par la pilosité qui couvre les élytres, sont parfois responsables de dégâts dans les vignes. Les principales espèces incriminées sont Tropinota (Epicometis) hirta (Poda, 1761) (anc. Epicometis hirta, figure 12) et Oxythyrea funesta (Poda, 1761). C’est l’adulte après hivernage qui abime les fleurs de la vigne en broutant le pollen avec ses mandibules et parfois s’attaque aux bourgeons avant de quitter les ceps quand il y a suffisamment de fleurs dans la végétation adventice pour se nourrir.
- Dynastidae
Gros coléoptères dont les mandibules sont visibles, sont appelés aussi scarabées rhinocéros car les mâles de cette famille peuvent être munis de cornes utilisées lors de combats pour évincer un concurrent du même sexe. Les larves sont dites saproxylophages alors que les adultes se nourrissent de nectar et de fruits.
Parmi les pentodons nuisibles à la vigne on peut citer Pentodon bidens subsp. punctatus (Villers, 1789), P. idiota, P. bispinosus. Ces coléoptères sont noirs aux élytres finement ponctués et aux tibias postérieurs munis d'éperons (figure 13). Au stade larvaire ils se nourrissent de bois mort, mais l'adulte s'attaque aux racines.
Phyllognatus excavatus (Forster, 1771) : l'adulte est brun rouge, et de grande taille (18-25 mm de long). Le dimorphisme sexuel est prononcé avec, chez les mâles, des tarses antérieurs élargis, et la tête munie d’une petite corne courbée en arrière ainsi que le pronotum marqué par une large excavation arrondie en arrière (figure 14). Cette espèce estivale et crépusculaire qui se rencontre en milieu ouvert, est inféodée aux sols sableux du bassin méditerranéen. Ce ravageur semble d’ordinaire plutôt erratique mais peut parfois apparaître en grand nombre. Cette espèce est surtout présente dans le midi de la France et en Corse.
- Melolonthidae
Dans cette famille on rencontre plusieurs espèces comme les rhizotrogues et les hannetons pouvant s’attaquer à la vigne.
Chez le hanneton commun, Melolontha melolontha (Linnaeus 1758), les dégâts sont surtout causés par les larves en pépinières en rongeant les racines et les jeunes tiges. Les oiseaux sont de bons prédateurs de ce ravageur. Différents parasites de types protozoaires, nématodes, et des insectes hyménoptères ou des diptères Tachinidae comme Dexia rustica (figure 15) sont des bons régulateurs des populations. De même la nature du sol intervient dans le développement des larves (plus d’info sur HYPP).
Le hanneton des pins ou hanneton foulon, Polyphylla fulo (Linnaeus 1758) s’attaque aussi à d’autres espèces que la vigne comme les pins, en sol sableux (plus d’infos sur HYPP).
Les rhizotrogues sont des coléoptères méditerranéens vivant surtout dans les régions à oliviers. Les larves rongent les racines tandis que les adultes mangent les feuilles de leurs hôtes. Le cycle de ces insectes est triennal. Parmi les espèces pouvant s’observer au vignoble, on trouve Rhizotrogus marginipes Mulsant, 1842 qui peut être présent dans tout le Sud de la France sur les coteaux les plus secs, et R. cicatricosus Mulsant, 1842, ces coléoptères mesurent 13 à 16 mm de long, sont oblongs et plus larges vers l’extrémité postérieure (figure 16).
Les Anoxia spp. se rencontrent dans les mêmes biotopes que le hanneton foulon ainsi que dans les sols d’alluvions et provoquent les mêmes dégâts, mais de moindre importance économique. Ces insectes mesurent 2 à 2,5 cm de long, sont bruns, avec une fine pubescence donnant un aspect blanchâtre. Les adultes s’enterrent pendant le jour. Les larves qui ont une vie de trois ans, rongent les racines des plantes (vigne ou arbres fruitiers). Les dégâts sont très localisés. Parmi les espèces rencontrées en France, on trouve Anoxia (Protanoxia) orientalis (Krynicky, 1832, figure 17), Anoxia (Anoxia) pilosa (Fabricius, 1792) et Anoxia (Anoxia) villosa (Fabricius, 1781).
- Rutelidae
Popillia japonica Newman, 1838 (scarabée japonais, figure 18) importé en Europe depuis peu mais non encore présent en France est décrit sur l'application AGIIR.
Les anomala spp. : ces coléoptères ont un corps ovoïde coloré en vert ou bleu à reflets métalliques. Deux espèces Anomala vitis (Fabricius, 1775) (petit hanneton vert) et A. dubia (rutelle verte) (Scopoli, 1763), sont nuisibles à la vigne en France et dévorent les feuilles au printemps (figure 19). D’autres espèces peuvent être aussi présentes en Europe.
La larve vit dans le sable humide à 15-20 cm de profondeur et se nourrit surtout de racines de graminées, mais peut être dommageable aux plantiers. Les adultes volent au crépuscule et se posent en grand nombre sur un ou quelques pieds de vigne dont ils rongent le limbe des feuilles en respectant les nervures, puis le foyer s’étend, provoquant des dégâts spectaculaires. Après l’accouplement la femelle s’enfonce dans le sol pour y pondre.
Bibliographie
Galet P (1982) Les maladies et parasites de la vigne. Tome II, les parasites animaux.
Martinez M (2008) Les coléoptères ravageurs avérés ou potentiels de la vigne en France. in Kreiter S et al. Ravageurs de la vigne. Editions Féret, Bordeaux.