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Méthodes de protection

  • En cours de culture

 

La maîtrise de Botrytis cinerea a été et est toujours difficile en France (comme dans de nombreux pays du monde), plus particulièrement sous abris. Cette situation a plusieurs explications :
– un climat tout à fait favorable au développement de ce champignon ;
– des plantes particulièrement réceptives, disposant d’organes plus succulents et tendres qu’en plein champ et de nombreuses blessures occasionnées par la taille et l’ébourgeonnage ;
– une aptitude particulière de ce champignon à s’adapter rapidement aux fongicides utilisables pour un « usage Botrytis » sur tomate, et appartenant à un nombre parfois trop limité de familles chimiques pour réaliser des alternances judicieuses ;
peu de fongicides à modes d’actions différents disponibles (pas encore homologués, retirés du marché suite à la récente législation européenne sur les pesticides).

Lorsque vous constatez des symptômes de B. cinerea dans votre culture et si un programme de traitements préventifs n’a pas été mis en place, nous vous conseillons de réaliser une application avec un fongicide homologué *. Plusieurs matières actives sont utilisées de par le monde et en France, seules ou en association, pour contrôler B. cinerea (e-phy).

A noter que plusieurs familles de fongicides sont concernées par des phénomènes de résistance. La variabilité génétique de B. cinerea lui a permis de s’adapter à de nombreux fongicides qui lui ont été opposés. Par exemple, les dicarboximides, très performants dans les premiers temps de leur utilisation, ont rapidement provoqué la sélection de souches résistantes (non persistantes) qui sont très fréquentes maintenant dans de nombreuses cultures. Signalons que l’on trouve toujours actuellement sur le terrain des souches tolérantes aux fongicides de la famille des benzimidazoles, employés à une époque contre B. cinerea. Malheureusement, une situation comparable a été observée lors de l’utilisation intensive de la quasi-totalité des fongicides antibotrytis les plus récents.

Aussi il est fortement recommandé d’alterner les familles chimiques afin d’éviter l’apparition de souches résistantes.

Notons que des traitements pourront être réalisés à la suite des effeuillages afin de protéger les plaies de taille. Ainsi, lorsqu’un chancre se formera à leur niveau, la lésion pourra être curée afin de débarrasser la tige des tissus malades. Une bouillie fongicide épaisse sera appliquée en ayant soin de bien recouvrir la plaie.

Par ailleurs, il convient de mettre en place un ensemble de mesures prophylactiques complémentaires à la lutte chimique, à la fois en pépinière et en plein champ.

Les abris doivent être aérés au maximum, afin de diminuer l’hygrométrie ambiante et, en particulier, d’éviter la présence d’eau libre sur les plantes. En période de temps couvert et humide, l’aération et le chauffage des abris permettront de bien gérer l’hygrométrie : assurer progressivement une température de l’ordre de 17°C au lever du soleil permettra d’éviter la condensation sur les plantes. Le recours à l’aération devra cependant être effectué avec parcimonie lorsque l’air extérieur sera à une température inférieure à 12°C.

La taille devra être soignée : couper les bourgeons axillaires, les feuilles et les hampes des bouquets au ras des tiges permettra de maintenir celles-ci le plus lisses possibles. Enlever précocement les bourgeons axillaires évitera les larges plaies. Il convient de garder à l’esprit que la présence de chicots plus ou moins longs augmente fortement les risques de contamination. Les travaux de taille seront effectués le matin, car à ce moment, les tissus, plus turgescents, se coupent plus aisément ; de plus, les plaies ont alors plus de temps pour sécher au cours de la journée. Il ne sera pas souhaitable de tailler durant les périodes couvertes et humides. Notons que les plaies sur la tige, bien que d’apparence sèche restent réceptives à B. cinerea assez longtemps.

Les jeunes chancres seront curés afin d’éliminer les tissus colonisés par ce champignon. Les plaies devront être protégées par un fongicide apporté localement sous la forme d’un badigeon ou par l’intermédiaire de traitements préventifs généralisés ou dirigés sur la partie basse de la tige. Rappelons que l’effeuillage de la partie basse des plantes, en plus de faciliter le couchage des plantes, favorise la maturation des fruits et simplifie la cueillette, contribue à améliorer le climat du couvert végétal en améliorant la circulation de l’air dans la culture.

Sous abris, l’irrigation aura lieu uniquement lorsque les plantes seront en mesure d’évaporer.La rétention d’eau dans la tomate conduit à obtenir des plantes plus végétatives, aux tissus gorgés d’eau et succulents, et donc plus sensibles à B. cinerea. Ce type de plantes luxuriantes induit aussi un climat plus humide et donc plus favorable à ce champignon. En plein champ, les irrigations par aspersion réalisées plutôt en cours de matinée — et jamais le soir — permettront aux plantes de sécher le plus rapidement possible.

On évitera tout stress aux plantes conduisant à des à-coups de croissance.La fumure azotée devra être maîtrisée. Elle sera ni trop forte (à l’origine de tissus succulents très réceptifs), ni trop faible (sources de feuilles chlorotiques constituant des bases nutritives idéales pour B. cinerea).

Classiquement, les phytopathologistes conseillent d’éliminer très rapidement les débris végétaux en cours de culture, en particulier les plantes moribondes portant un à plusieurs chancres sur tige et les fruits pourris sur lesquels B. cinerea sporule. Il serait souhaitable d’avoir les mêmes exigences pour les déchets de culture. Dans la pratique, ces derniers sont souvent laissés sur le sol des serres sans qu’il y ait forcément plus de dégâts liés à la moisissure grise. Si vous opter pour cette façon culturale, le sol devra demeurer sec afin que les feuilles ne pourrissent pas. Cette option n’est valable que sous abris. Dans tous les cas, les fruits seront éliminés rapidement des cultures. En fin de culture, tous les débris végétaux devront être rapidement éliminés des abris et des parcelles en plein champ. Dans ce dernier contexte, cela évitera qu’ils soient ultérieurement enfouis dans le sol et que le champignon puisse s’y conserver. Un labour profond facilitera la décomposition des quelques déchets restants.

 

  • Culture suivante

 

Bien sûr, les mesures préconisées en cours de culture seront systématiquement appliquées lors de la culture suivante. Elles pourront être complétées par les interventions suivantes.

Dans le cas où la pépinière est réalisée chaque année au même endroit et/ou dans le même abri, il sera indispensable de mettre en place les mesures préconisées au niveau de la fiche Clavibacter michiganensis subsp. michiganensis.

La polyphagie de B. cinerea, ses aptitudes saprophytiques et le fait que l’inoculum peut provenir de l’environnement de la culture rendent l’efficacité des rotations culturales décevante. En plein champ, le sol des futures parcelles sera bien préparé et drainé afin d’éviter la formation de flaques d’eau propices aux attaques de B. cinerea sur les feuilles au contact du sol. Les rangs de plantation seront orientés si possible dans le sens des vents dominants afin que le couvert végétal soit bien aéré. On évitera de mettre la culture en place avec des densités trop importantes et de blesser les plantes. Sous abris, il sera souhaitable de réaliser un vide sanitaire, de remplacer le plastique couvrant éventuellement le sol et de désinfecter la serre soigneusement (vous pouvez consulter la fiche Passalora fulva).

Bien que la nature du substrat n’ait pas un rôle direct sur le développement de B. cinerea, il y a lieu de se rappeler que les substrats organiques permettent d’obtenir des plantes plus végétatives et donc plus sensibles à la moisissure grise.

Concernant la fertilisation, il a été démontré que le remplacement des nitrates par des chlorures permettait de réduire très significativement les dégâts de B. cinerea en culture hors sol sous abris. De plus, l’enrichissement en calcium des tissus de la tomate abaisserait fortement sa sensibilité à ce champignon.

En plein champ, nous vous conseillons d’opter pour un système d’irrigation localisé par goutte à goutte, évitant de mouiller la végétation comme c’est le cas lorsqu’une irrigation par aspersion est employée.

Des traitements fongicides préventifs seront souvent indispensables sous serre à certaines périodes de l’année, afin d’éviter l’installation du champignon (e-phy). Ils pourront être appliqués lors des premiers effeuillages, le jour même sera le mieux. Signalons qu’il semble que la partie basse de la tige soit plus sensible aux attaques de B. cinerea. Il y aura intérêt à particulièrement protéger les plaies occasionnées sur les premiers centimètres de tige.

Les autres maladies et déprédateurs devront être maîtrisés car ils sont à l’origine de blessures, de nécroses tissulaires propices à l’installation de B. cinerea. Dès que la végétation deviendra importante, il faudra être vigilant, surtout par temps couvert.

Des sources de résistance ont été mises en évidence dans différents pays parmi les espèces sauvages voisines de la tomate, notamment Solanum lycopersicoides, Lycopersicon peruvianum et L. hirsutum. Cette dernière espèce paraît retenir plus particulièrement l’intérêt des sélectionneurs.

Un modèle basé sur les prévisions climatiques et nommé « Botman » est en cours de mise au point en Israël. Ce modèle, couplé à l’utilisation d’un agent biologique — Trichoderma harzianum —, permet de contrôler B. cinerea aussi bien que des applications fongicides hebdomadaires.

Un certain nombre de méthodes alternatives et/ou originales ont été ou sont expérimentées dans plusieurs pays. Ainsi, des extraits de compost ont été utilisés en Grande-Bretagne ; pulvérisés sur les plantes, ils réduiraient les dégâts dus à B. cinerea et permettraient d’augmenter les rendements. Des antioxydants ont également été employés en Israël pour limiter le développement de ce champignon. Des huiles essentielles de citron ont aussi été testées.

Des bactéries et plusieurs champignons antagonistes ont été évalués in vitro ou in vivo pour contrôler ce champignon. Parmi eux, on peut citer des Streptomyces spp., comme S. griseoviridis, Bacillus licheniformis, Candida guilliermondii, Cryptococcus albidus, Rhodotorula glutinis, Aureobasidium pullulans, Gliocladium virens, G. catenulatum, Trichoderma harzianum, Ulocladium atrum, Chaetomium globosum, Clonostachys rosae, Rhodosporidium diobovatum

À titre d’exemple, notons que des préparations biologiques à base de Bacillus subtilis et d’un extrait de Reynoutria sachalinensis présenteraient une certaine efficacité pour contrôler B. cinerea sous abri aux États-Unis. L’associationd’une levure (Cryptococcus laurentii) et de bicarbonate de soude permettrait de réduire les effets de ce champignon après récolte. Enfin, signalons que le champignon Microdochium dimerium permet de limiter avec succès le développement de B. cinerea, en particulier sur les plaies de taille des plantes cultivées sous abri en France.


Lutte chimique : Le nombre de pesticides disponibles pour un usage donné évoluant en permanence, nous vous conseillons de toujours confirmer votre choix en consultant le site e-phy du ministère de l’agriculture et de la pêche qui est un catalogue en ligne des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages, des matières fertilisantes et des supports de culture homologués en France. Cette remarque est également valable pour tous les produits biologiques à base de micro-organismes ou de substances naturelles.

Dernière modification : 22/01/2015
  • Auteur :
  • D Blancard (INRAe)