Phytoseiidae
Bien que 22 espèces aient été signalées, seules trois espèces sont régulièrement rencontrées dans les régions viticoles françaises et ont réel rôle fonctionnel de régulation des pullulations :
- Typhlodromus pyri, dans toutes les régions viticoles, excepté en région PACA et Languedoc-Roussillon, où elle est présente mais avec une moindre importance,
- Kampimodromus aberrans, espèce prépondérante en région PACA et Languedoc-Roussillon, quasi inexistante ailleurs,
- Phytoseius finitimus, espèce prépondérante en Corse.
Une 4e espèce, Amblyseius andersoni est assez fréquente dans l’Ouest de la France et Neoseiulus californicus et dans une moindre mesure Typhlodromus (Anthoseius) exhilaratus peuvent se rencontrer dans le Sud.
- Biologie
Chez toutes les espèces connues en climat tempéré, l'hivernation se fait au stade femelle adulte qui a été fécondée à l’automne. Elle a lieu sous les écorces ou dans les anfractuosités, sous les feuilles mortes. Les animaux sont en état de diapause, immobiles et ne s'alimentant pas.
Les Phytoseiidae ont quatre stades de développement discernables avant le stade adulte. L'œuf est ovale et collé par une substance adhésive à son support (sommet des poils de la feuille, toiles des tétranyques, cavités à l'intersection des nervures principales et secondaires, sur le limbe, etc.). L'œuf éclôt au bout de quelques jours et la larve hexapode qui en sort s'alimente ou pas selon les espèces. Suivent ensuite 2 stades dits nymphaux octopodes, que l'on peut distinguer par la taille et la coloration du tégument qui augmentent. La larve et les nymphes changent de stade après une mue qui dure peu de temps et n’est pas discernable. En conditions très favorables, le développement dure un peu plus de 3 jours pour atteindre 4 semaines en conditions défavorables. Cette durée est aussi variable selon les espèces. Le temps de développement se répartit à peu près équitablement entre évolution de l’embryon et développement des immatures. Une humidité relative importante (70-80 % ou plus) est favorable au développement des œufs et des immatures mais une humidité saturante et une immersion sont généralement fatales aux œufs. Les températures minimales et maximales compatibles avec le développement se situent sous nos climats entre 10 et 30 °C avec un optimum à 25 °C. A température égale, de nombreux phytoséiides se développent plus vite que les tétranyques.
A l'exception de Phytoseiulus persimilis et de quelques autres rares espèces spécifiques, la plupart des espèces de Phytoseiidae sont des polyphages généralistes. L'engouement important pour les Phytoseiidae en tant qu'auxiliaires vient principalement de ces quelques rares espèces "spécifiques" de tétranyques (du genre Tetranychus). On assiste hélas dans de nombreux cas à une confusion entre les caractéristiques des prédateurs "spécifiques" et celles des prédateurs "généralistes" qui sont pourtant l’écrasante majorité des Phytoseiidae. Ces derniers sont très fréquents dans des agrosystèmes plus stables, moins perturbés, avec des plantes spontanées ligneuses et des cultures fruitières. On ne trouve pratiquement jamais de "spécifiques" dans ce type de milieu. La plupart des espèces des genres Euseius, Amblyseius, Typhlodromus, Neoseiulus, Kampimodromus, Phytoseius, etc. appartiennent à ce groupe des "généralistes". Ceux-ci ont un faible potentiel reproducteur, comparativement aux "spécifiques". Ils ont aussi des populations plus stables, se dispersent peu, étant peu liés à la nécessité de rechercher des proies car consommant d'autres aliments (i.e. petits insectes, pollen).
L'accouplement est nécessaire pour que la ponte débute et plusieurs accouplements sont généralement observés. La période de maturation sexuelle ne dure souvent que quelques jours et la ponte a lieu durant 15 à 30 jours. La durée totale de la vie adulte est variable. Le rythme quotidien de ponte fluctue, suivant les espèces et les conditions microclimatiques et trophiques, de 0,1 à 4,5 œufs mais dépasse rarement 3 œufs. Il se situe le plus souvent aux alentours d’un œuf par femelle et par jour. La fécondité totale est également variable, comprise généralement entre 50 et 90 œufs/ femelle. La sex-ratio moyenne est généralement de 66 % de femelles (mais ce chiffre est également variable).
- Alimentation
Le pollen semble très prisé par de nombreuses espèces "généralistes" et très favorable à l'expression d'un potentiel de multiplication important, ce qui n’est pas le cas des espèces "spécifiques". C'est le cas des deux espèces principales de la vigne, notamment Kampimodromus aberrans. Bien qu'étant qualifiés, avant toute chose, de prédateurs de tétranyques, de nombreuses espèces de phytoséiides consomment en grand nombre des ériophyides, des ténuipalpides, des tarsonémides et même des tydéides. Certaines espèces se développent d'ailleurs mieux sur des ériophyides que sur des tétranyques et sont parfois stimulées dans la prédation de ces derniers par la présence des premiers. Si certains phytoséiides s'accommodent des tissages des tétranyques tisserands, comme les Phytoseiulus ou certains Neoseiulus, N. californicus par exemple, d'autres comme T. pyri et K. aberrans sont gênés et ne peuvent s'y déplacer. Le miellat des hémiptères, associé à des tétranyques ou à du pollen, permettrait une ponte plus importante. Quelques espèces s'attaquent à des œufs ou des jeunes larves d'hémiptères (pucerons, cochenilles, aleurodes, psylles) ou à des thrips (notamment T. pyri) et une alimentation phytophage de certaines espèces a été constatée (mais sans dégâts). Ce sont les tétranyques qui restent cependant les proies les plus consommées et, parmi eux, les œufs et les stades immatures sont les plus recherchés. Les quantités consommées varient beaucoup selon l'âge du prédateur, les espèces et les conditions microclimatiques.
- Relation entre les prédateurs et les proies
L'efficacité d'un prédateur peut donc être définie par une réponse totale optimale, correspondant à une certaine densité de proies, le prédateur étant de plus capable d'adapter sa densité à celle de sa proie. Typhlodromus pyri, K. aberrans, T. exhilaratus et P. finitimus peuvent être qualifiés de prédateur "basse densité", Amblyseius andersoni et Neoseiulus californicus de prédateurs "basse à moyenne densité".
Certains auteurs, ont proposé une classification basée sur la spécificité décroissante des prédateurs et le lien croissant à la plante support. On distingue :
- type 1 : prédateurs spécifiques du genre Tetranychus. Quatre espèces du genre Phytoseiulus avec les plus forts: taux de croissances démographiques, rapidité de développement, fécondité, voracité et taille.
- type 2 : prédateurs sélectifs de tétranyques, notamment tisserands. Espèces des genres Galendromus et Neoseiulus et quelques espèces du genre Typhlodromus (Anthoseius). Elles possèdent généralement des forts: taux d'accroissement des effectifs, rapidité de développement rapide, fécondité. Leur taille et leur voracité sont plus réduites. Certaines espèces consomment d'autres proies que les tétranyques, notamment des ériophyides pour les Neoseiulus. Des élevages sur pollen sont possibles.
- type 3 : prédateurs généralistes. On trouve des espèces de ce groupe dans tous les genres connus. Les espèces du genre Tetranychus font partie des proies possibles mais sont souvent plus défavorables que des espèces d'autres genres qui tissent moins. Les ériophyides sont des proies potentielles favorables. Les tydéides peuvent être consommés par Typhlodromus pyri et certaines espèces de Paraseiulus. Beaucoup d'insectes peuvent également être consommés, notamment des thrips, des aleurodes, des larves de pucerons et de cochenilles, etc. Les phytoséiides du type 3 s'alimentent également aux dépens de pollen, d'exsudats végétaux et pour certaines des tissus végétaux. Les taux d'accroissements démographiques sont faibles à moyens. Les relations avec la plante hôte sont souvent très importantes.
- type 4 : prédateurs généralistes, consommateurs spécifiques de pollen. Ce sont aussi des espèces polyphages mais pour beaucoup d'espèces du genre Euseius, le taux d'accroissement des effectifs des populations est souvent plus élevé avec du pollen qu'avec des proies. Certaines espèces consomment des tétranyques mais jamais seuls et quelques autres des ériophyides ou des thrips et/ou des aleurodes.
- Ecologie et lien à la plante hôte chez les polyphages généralistes
Pour les Phytoseiidae polyphages généralistes, la présence, le développement et l’abondance sur une plante ne sont donc généralement pas totalement corrélés à celles des proies. La plupart des Phytoseiidae a une grande gamme de plantes hôtes mais dans un milieu donné, quelques plantes seulement peuvent être colonisées. Les facteurs rendant ces plantes favorables ou défavorables ne sont pas parfaitement connus. Sur les feuilles, les phytoseiides se rencontrent le plus souvent à proximité des nervures notamment à l'aisselle des ramifications. Ils y dissimulent leur ponte, s’y abritent, s’y accouplent et y guettent leur proie, trouvant sans doute de surcroît des conditions thermiques et hygrométriques favorables et fuyant les prédateurs de plus grande taille. La pilosité importante des feuilles de divers végétaux permettrait l'accès à ceux-ci de petites espèces comme K. aberrans ou T. pyri, mais pas celui d'espèces plus grosses et plus compétitives comme la plupart des espèces d'Amblyseius et d'Euseius. Cette pilosité semble de plus retenir de façon plus importante le pollen, que ces deux prédateurs consomment en quantité et qui permet une reproduction importante au printemps sur de nombreuses plantes hôtes, alors même que les proies sont absentes. Les feuilles, lieu de vie des acariens microscopiques, sont très différentes selon les plantes et présentent diverses structures (nervures, pilosité, bordures enroulées, domaties, glandes, composées organiques, etc.) qui donnent à la feuille une architecture complexe, pouvant gêner ou faciliter l'accès, la progression, l’alimentation ou l’accouplement. Ainsi, on note que certains cépages, du fait de leurs caractéristiques foliaires différentes, sont plus ou moins favorables aux Phytoseiidae.
Malgré leurs faibles capacités de déplacement, les phytoséiides se dispersent souvent assez rapidement à l'intérieur des cultures, en suivant notamment les rangées de plantes, les fils de palissage, etc. Leur dispersion sur de longues distances se fait cependant plutôt passivement grâce au vent ou au transport par d'autres animaux, par exemple les pucerons, ou par les feuilles mortes. Beaucoup d'espèces effectuent la totalité de leur cycle sur la même plante hôte. Les phytoséiides "généralistes" ont peu tendance à migrer, comparativement aux espèces spécialistes qui traquent leur proie et se dispersent rapidement.