Biologie, épidémiologie

 
 
La pourriture acide des baies de raisin est la résultante d'un mécanisme infectieux complexe impliquant des microorganismes (des levures et des bactéries), mais aussi divers vecteurs potentiels comme des insectes (Drosophila spp.), parfois des oiseaux, et même des nématodes. A cela, s’ajoute les conditions climatiques de l’année, mais surtout un état particulier de la baie de raisin à maturité, et notamment la présence de micro-fissures, et donc la possibilité pour ces microorganismes d’avoir accès à des sucres. Il s’en suit alors un changement quantitatif, mais aussi qualitatif des populations microbiennes.
 
 
  • Conservation et sources d'inoculum

Ces levures et bactéries sont très présentes au vignoble ; elles se conservent aisément dans le sol sur les débris végétaux, sur les fruits momifiés, les rameaux, les bourgeons. Tout au long de sa phase végétative, les différents organes de la vigne sont pollués par ces microorganismes qui constituent pour partie sa flore superficielle. Ainsi, la surface des baies de raisin matures constitue l'habitat naturel de nombreuses levures (tout particulièrement K. apiculata et son téléomorphe H. uvarum), dont une trentaine d'espèces ont été recensées. Les bactéries acétiques font également partie de la microflore naturelle des baies.
Ces levures et ces bactéries sont hébergées par de nombreux hôtes et sont parfois responsables d'altérations diverses, en particulier de pourritures acides comme c'est le cas sur figue, tomate, ananas...

  • Pénétration dans la plante et invasion de l'hôte

Cette affection de la baie se manifeste après la véraison, surtout sur les baies à maturité avancée et riches en sucres. Ces conditions favorisent la multiplication des levures et des bactéries qui sont présentes en grandes quantités sur les baies. Elles pénètrent ces dernières à proximité de l'attache pédonculaire ou via diverses blessures : coups de bec d'oiseaux*, dégâts d'insectes (figure 1) et de grêle, micro ou macro-éclatements de croissance des baies survenant à la suite de stress hydriques.... Par la suite, elles se multiplient rapidement dans la pulpe et l'acidifient en quelques heures. Des symptômes sont déjà visibles 2 à 3 jours après les contaminations (figures 2 et 3).

* Une étude récente a montré que le bec de certains oiseaux et la partie débutante de leur tube digestif hébergeaient plusieurs espèces de levures contaminatrices, comme par exemple Hanseniospora  uvarum.

 

  • Multiplication et dissémination

Ces microorganismes se multiplient très facilement par bourgeonnement (scissiparité) dans les baies qui en hébergent en grandes quantités. Des amas muqueux blanchâtres, consécutifs à la formation de colonies levuriennes ou bactériennes, sont parfois visibles sur les baies. Ils peuvent être disséminées de différentes façons, notamment par :

- des drosophiles sont particulièrement impliquées dans la dissémination de la pourriture acide, notamment Drosophila melanogaster et à un moindre degré Drosophila simulans  (figure 4).


La vection par les drosophiles adultes peut se faire de deux façons : soit par présence de propagules à la surface du corps des insectes, soit éventuellement de façon interne dans leur jabot.  En effet, des observations en microscopie électronique à balayage (figures 5 et 6) permettent de constater la présence de cellules levuriennes sur certaines parties du corps de l'insecte, comme le thorax et les pattes (K. apiculata est systématiquement détectée et C. stellata est très fréquente). En revanche, ces propagules sont plus rares sur la tête, l'abdomen ou les ailes. Un inventaire de la mycoflore du jabot de ces insectes révèle 2 espèces dominantes : K. apiculata et C. stellata, mais aussi plus ponctuellement P. membranifaciens, M. pulcherrima, Candida krusei, et divers champignons comme Botrytis cinerea ou appartenant aux genres Rhizopus, Penicillium.  Ajoutons que les cellules des levures en particulier pourraient être expulsées vivantes après le transit intestinal.

Des Gluconobacter spp., et moins fréquemment Acetobacter pasteurianus, sont isolés de la surface des drosophiles et dans leur jabot. Il est donc fortement probable que ces insectes transportent et transmettent ces différents microorganismes lors de leurs déplacements sur et dans les grappes de raisin.

Enfin, la transmission de ces microorganismes est également assurée par :
- contact de baie infectée à baie saine surtout au coeur des grappes très compactes ;
- les écoulements de jus acide le long des grappes affectées ;
- les mains et les outils des vendangeurs ;
- quelques nématodes associés aux baies pourries acides, Panagrellus zymosiphylus (figure 7), Turbatrix aceti, qui peuvent être porteurs de levures notamment et qui sont transportés par les drosophiles et retrouvés dans leur déjections ;
- les oiseaux.

  • Facteurs influençant le développement du champignon

La pourriture acide est particulièrement dommageable dans les vignobles où les récoltes sont réalisées à un stade de maturité avancé, cas notamment de certains cépages destinés à la fabrication de vins liquoreux. Elle est plus fréquente dans les parcelles vigoureuses, cultivées sous toile et/ou plastique. Notons que  la répartition de la pourriture acide dans les parcelles est aussi en lien avec la vigueur des ceps, mais aussi là où sont entassées et compactes. Les conditions climatiques survenant avant vendange influencent beaucoup le développement de cette maladie : des pluies fréquentes, des hygrométries et des températures élevées sont très propices. Rappelons que les dégâts occasionnés par d'autres bioagresseurs (eudémis, guêpes, oïdium) ou divers stress climatiques ou agro-culturaux peuvent sensibiliser la baie à l'expression de la pourriture acide.

Dernière modification : 07/12/2023
  • Auteur :
  • D Blancard (INRAe)
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Figure 1
Acide_inockloe
Figure 2
Acide_Inocglucono
Figure 3
Drosophile_vigne1
Figure 4
Acide_mouche_1
Figure 5
Acide_mouche_2
Figure 6
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Figure 7