Ecologie, épidémiologie
- Conservation, sources de virus
Le virus de la maladie bronzée de la tomate (Tomato spotted wilt virus, TSWV) est, comme le virus de la mosaïque du concombre (Cucumber mosaic virus, CMV), l'un des phytovirus dont la gamme d'hôtes naturelle est la plus étendue. Il infecte de très nombreux hôtes, cultivés ou non : plus d'un millier ont été inventoriés, appartenant à au moins 86 familles botaniques des dicotylédones pour la plupart. Il se conserve donc aisément dans l'environnement des cultures de tomate, notamment sur diverses mauvaises herbes telles qu'Amaranthus spp., Anagallis arvensis, Capsella bursa-pastoris, Chenopodium amaranticolor, Convolvulus arvensis, Fumaria officinalis, Oxalis corniculata, Picris echioides, Poa annua, Solanum nigrum, Sonchus spp., Stellaria media, Taraxacum officinale et Veronica spp.
Les familles comportant le plus d'espèces hôtes sont les astéracées (247) et les solanacées (172). Parmi ces dernières, signalons Cyphomandra betacea, Lycopersicon hirsutum, L. pimpinellifolium, 15 espèces de Solanum dont S. aethiopicum, S. muricatum, S. quitoense, Nicotiana tabacum, N. acuminata, N. alata, N. glutinosa, Physalis heterophylla, P. minima, P. peruviana, P. ixocarpa, Browalia sp., Datura stramonium, Dubosia leichardtii, Hyoscyamus niger, Lycium procissimum, Salpiglossis sp., Schizanthus sp. et Streptosolen jamesonii.
De nombreuses plantes cultivées hébergent ce virus : 166 espèces ont été recensées en France depuis l'émergence du TSWV en 1987, appartenant à 34 familles, dont 7 parmi les monocotylédones :
- des espèces légumières, aromatiques ou industrielles (aubergine, poivron, pomme de terre, tabac, laitue, endive, haricot, fève, pois, melon, concombre, courge, épinard, choux, artichaut, bette, betterave, céleri, persil, lavandin, coriandre, estragon, basilic, sauge) ;
- des espèces ornementales (marguerite, anémone, arum, bégonia, souci, chrysanthème, dahlia, zinnia, cyclamen, glaïeul, gerbera, lys, pétunia, renoncule, jasmin, impatiens).
On le retrouve aussi sur certaines cultures vivrières des zones chaudes : Vigna sp., arachide, chayotte, ananas.
Ces nombreuses plantes constituent des réservoirs à virus qui rendent la lutte contre le TSWV extrêmement difficile.
- Transmission, dissémination
Le TSWV peut être transmis par plusieurs espèces de thrips selon le mode persistant (circulatif-propagatif). Au moins 10 espèces de thrips ont été reconnues comme vectrices : Frankliniella fusca (Hinds), Frankliniella occidentalis (Pergande), Frankliniella schultzei (Trybom), Franklinella intosa (Trybom), Frankliniella tenuicornis (Uzel), Thrips tabaci (Lind.), Thrips palmi (Karny). Scirtothrips dorsalis (Hood) a été identifié comme vecteur en Inde, et Thrips setosus (Moulton) au Japon. Frankliniella bispinosa est un vecteur impliqué plus récemment en Floride, où il est très présent dans les cultures de tabac, et aussi efficient que F. occidentalis pour transmettre le TSWV. Signalons que l'efficacité de transmission du TSWV par les différentes espèces de thrips vectrices n'est pas identique.
En France, seul Frankliniella occidentalis semble intervenir. Ce dernier est un vecteur très efficace, beaucoup plus que Thrips tabaci. Originaire de l'ouest des États-Unis et du Canada, F. occidentalis, s'est dispersé sur l'ensemble du continent nord-américain, puis en Europe à partir de 1985. Ce thrips est actuellement considéré comme le principal vecteur de ce virus dans de très vastes zones géographiques réparties sur les cinq continents, notamment dans les cultures protégées des pays à climat tempéré (États-Unis, Europe). En effet, il est très prolifique et difficile à contrôler.
Seules les larves sont susceptibles d'acquérir le virus, en 15 minutes minimum. Les inoculations ont lieu essentiellement au cours de l'alimentation des adultes. Chez F. occidentalis comme chez T. tabaci, les femelles accumulent plus de virus mais ce sont les mâles qui le transmettent avec la plus grande efficience. Les larves piquent les cellules épidermiques, injectent de la salive à l'origine de la lyse du contenu cellulaire, et aspirent celui-ci. Cinq à quinze minutes suffisent pour réaliser l'acquisition, et la période de latence dure au moins quatre jours. Le virus est retenu pendant la mue de l'insecte et pourrait se multiplier dans ce dernier. Les thrips, qui sont de petite taille, se déplacent sur de courtes distances. Ils sont parfois emportés par des courants d'air ascendants qui les transportent passivement à plusieurs centaines de mètres, voire plus dans certaines situations. Les adultes, dont la durée de vie varie de 30 à 45 jours, sont virulifères jusqu'à leur mort. Les thrips ne transmettent pas le TSWV à leur descendance. Les symptômes peuvent apparaître de 7 à 14 jours après inoculation.
En plus d'être des vecteurs de virus, les thrips sont des insectes ravageurs et provoquent à ce titre divers symptômes sur tomate. Vous y trouverez aussi des informations sur leur biologie.
Le TSWV est transmissible par inoculation mécanique, mais pas par simple contact. Il l'est aussi par les semences et les organes de reproduction végétative chez plusieurs plantes. Sa transmission par les semences est controversée : si des résultats anciens rapportent qu'il serait transmis à un taux de l'ordre de 1 %, le virus étant présent sur les téguments mais pas dans l'embryon, des travaux récents infirmeraient cette propriété. On se méfiera des plants qui pourraient avoir été contaminés en pépinière.
Dans la nature, les risques d'infection d'une plante par le TSWV dépendent notamment de l'attirance exercée par cette dernière sur les thrips vecteurs. En effet, ces insectes ont des préférences pour leur alimentation, en fonction de la saison et du climat local.