Biologie, épidémiologie
- Conservation, sources d'inoculum
Bien que piètre compétiteur dans le sol, Colletotrichum coccodes s'y conserve aisément, sur les débris végétaux ou non, grâce à ses sclérotes ( figures 1 à 3) qui lui permettent de s'y pérenniser plusieurs mois, voire plusieurs années. Il est aussi capable de coloniser au moins 58 espèces végétales appartenant à au moins 19 familles botaniques, en premier lieu les légumes appartenant aux familles des solanacées (poivron, aubergine, pomme de terre et des cucurbitacées (pastèque) qui pourront jouer le rôle d'hôtes alternatifs ou contribuer à l'augmentation de l'inoculum du sol. Il aurait été inoculé avec succès au fraisier et à l'oignon. Plusieurs mauvaises herbes assurent les mêmes fonctions : Solanum capsicastrum, S. dulcamara, S. nigrum, Abutilon theophrasti, Amaranthus retroflexus, Chenopodium album, Convolvulus arvensis, Capsella bursa-pastoris). Il a aussi été isolé sur les racines de diverses plantes ne présentant pas de symptômes : chou, laitue, cresson, moutarde blanche, chrysanthème. Nous l'avons isolé à plusieurs reprises à partir de l'eau utilisée pour des cultures hors sol, eau provenant de bassins de stockage à ciel ouvert.
- Pénétration et invasion
Les sclérotes sont susceptibles de produire du mycélium ou des acervules, dans lesquelles sont formées des conidies. Ces dernières germent à la surface des fruits verts ou matures et y adhèrent grâce à des appressoria. À partir de ces structures, la pénétration s'effectue directement à travers la cuticule. Elle peut aussi se réaliser via diverses blessures présentes à maturité sur les tomates.
Les modalités de pénétration dans la racine sont assez comparables puisque des appressoria se forment à son contact. Notons que la colonisation des racines augmente avec leur âge. De plus, les sclérotes et par la suite le mycélium entrant en contact avec les fruits et les racines peuvent aussi entraîner des infections. Une fois en place, le champignon colonise les tissus sous-cuticulaires ou du cortex par l'intermédiaire de son mycélium (figure 4), et exerce son parasitisme par l'intermédiaire d'une protéase extracellulaire. L'infection peut aussi rester bloquée. Dans ce dernier cas, on parlera d'« infection latente ». Ce type de situation peut survenir aussi bien sur les fruits verts, les racines et même la tige. Les fruits verts voient cette latence levée à maturité ou s'ils subissent des températures basses.
- Sporulation et dissémination
Que cela soit sur les fruits, et à un moindre degré sur les racines, C. coccodes produit des acervules intra- ou sous-épidermiques, matérialisant sa multiplication asexuée (figures 5 à 7). Ces structures, de 200 à 300 µm de diamètre, produisent des conidies cylindriques, hyalines et non cloisonnées (16-24 x 3-7,5 µm) qui sont immergées dans une matrice gélatineuse qui les protège de la dessiccation. Ces conidies assurent en partie la dissémination de ce champignon, qui s'effectue par les éclaboussures liées aux pluies et aux irrigations par aspersion, les travailleurs, les animaux et le matériel cheminant dans les parcelles. L'eau ruisselant, les particules de sol transportées par les engins aratoires contribuent également à sa dispersion. Il est également facilement disséminé par la solution nutritive dans les cultures hors sol, et ce d'autant plus si celle-ci est recyclée. Des microsclérotes, de taille souvent inférieure au millimètre, se forment également dans les tissus ; ils contribuent aussi bien à conserver qu'à disséminer C. coccodes.
- Conditions favorables à son développement
Ce champignon est apte à se développer dans une gamme de températures assez large, même si la germination de ses conidies est optimale à 22°C. À cette température, les appressoria se forment au bout de 6 heures. Elle n'a plus lieu à 7°C et est fortement ralentie à 10°C et au-dessus de 35°C.
Une fois que ses conidies ont germé, le développement de l'anthracnose est très influencé par les conditions climatiques. Les attaques peuvent avoir lieu à des températures comprises entre 15 et 30°C ; elles seraient beaucoup plus limitées à 10°C, et aucune lésion ne se manifesterait à 38°C. La sporulation sur les fruits est optimale à 28°C. Des hygrométries élevées et la présence d'eau liquide sont nécessaires à la germination des spores : les périodes pluvieuses et l'irrigation par aspersion favorisent l'anthracnose. L'eau libre sur les fruits durant plusieurs heures, liée à la durée et à la fréquence des pluies et des irrigations par aspersion, augmente fortement son incidence sur la culture.
La monoculture de tomate ou de porte-greffes de type KNVF sur un même sol entraîne une augmentation du taux d'inoculum dans celui-ci, et donc une aggravation des symptômes racinaires. Les sols humides, les excès de salinité prédisposeraient les plantes aux attaques de C. coccodes.