Biologie, épidémiologie
- Conservation, réservoirs à phytoplasmes
Les phytoplasmes responsables des jaunisses de la reine-marguerite, du stolbur, etc., sont des organismes plutôt polyphages qui peuvent se multiplier sur différents hôtes cultivés et sur des mauvaises herbes, ces dernières constituant des réservoirs importants. La gamme d’hôtes semble varier d’un phytoplasme à un autre.
Les jaunisses de la reine-marguerite affectent plus de 350 espèces végétales différentes, cultivées ou non, réparties dans une cinquantaine de genres botaniques. Plusieurs mauvaises herbes et plantes sauvages peuvent héberger les phytoplasmes : le trèfle, Salsola tragus, plusieurs espèces de Plantago et de Sonchus (dont S. asper), Taraxacum officinale, la laitue sauvage, Senecio cruentus, Argyranthenium frutescens, Spartium junceum… Certains sont aussi rapportés sur pomme de terre, aubergine, poivron, maïs, Ipomoea obscura, salade, carotte, épinard, céleri, courgette, chou de Bruxelles, oignon, fève, dahlia, Hydrangea macrophylla, Lavandula officinalis, olivier, Primula sp., Viola odorata…
Les phytoplasmes du groupe du stolbur de la pomme de terre infectent plus de 45 espèces parmi les solanacées, et au moins 16 espèces appartenant à 6 autres familles botaniques. Ils se multiplient dans ces plantes qui servent parfois de sources d’inoculum. Parmi les plantes cultivées, retenons le poivron, l’aubergine, la pomme de terre, le céleri, la carotte, le fraisier, la vigne, le tabac, la lavande, l’avocat…. Chez les mauvaises herbes, citons le liseron (Convolvulus arvensis et Calystegia sepium, voir photo 881), la morelle noire (photo 882), l’ortie (Urtica dioica), le trèfle… Le liseron et l’ortie semblent jouer un rôle crucial dans le cycle épidémiologique du stolbur en tant qu’hôtes de prédilection de l’un des insectes vecteurs potentiels, influençant fortement les épidémies de stolbur.
De nombreux autres hôtes ont été soupçonnés dans plusieurs pays d’être des réservoirs potentiels de phytoplasmes ou des hôtes « cul-de-sac » (sans connaître précisément leur groupe) dans le cadre d’épidémies de phytoplasmoses sur tomate : carotte, poivron, endive, fraisier, avocat, poirier… (en Espagne), Artemisia absinthium, Cirsium arvense, Cichorium intybus, Convolvulus arvensis, Taraxacum officinale… (en Russie), poivron, tomate, tabac, carotte, persil, céleri, vigne, navet, Datura stramonium, Taraxacum offinale, Silene vulgaris (en Hongrie), aubergine, poivron, Cryptotaenia japonica, Chrysanthemum coronarium, Gentiana sp.… (au Japon). On se méfiera surtout des liserons et des orties.
Ces phytoplasmes se conservent aussi dans leurs vecteurs, plusieurs espèces de cicadelles. Le cycle de ces insectes fait intervenir des œufs qui ne jouent aucun rôle dans la conservation hivernale du phytoplasme mais assurent la pérennité de l’insecte d’une saison à l’autre.
- Transmission, dissémination
Comme nous l’avons évoqué précédemment, ces phytoplasmes sont transmis par plusieurs espèces de cicadelles selon le mode persistant, au cours de piqûres de nutrition. Comme pour les hôtes de ces phytoplasmes, le nombre d’espèces de cicadelles vectrices est important et fluctue en fonction des phytoplasmes.
« Candidatus Phytoplasma asteris » : 30 espèces de cicadelles dont Macrosteles spp., Euscelis spp., Scaphytopius spp., Aphrodes spp., Orosius argentatus, Euscelidius variegatus…
« Candidatus Phytoplasma solani » (figure 1) : Hyalesthes obsoletus Signoret (photo 880) serait le vecteur le plus important en europe. Cette cicadelle de la famille des Cixiidae est une espèce polyphage vectrice du phytoplasme du stolbur du groupe 16SrXII-A, présent également sur Convolvulus arvensis, Urtica spp., Ranunculus spp., Senecio spp. et Artemisia spp., plus rarement sur des plantes ligneuses fruitières et sur la vigne… Les imagos sont actifs de mai à mi-août, avec une génération par an et une hivernation sous une forme larvaire.
D’autres insectes de la même famille ont été rapportés comme vecteurs : Hyalesthes mlokosiewiczi, Pentastiridius leporinus…
Les cicadelles, insectes piqueurs-suceurs, disséminent les phytoplasmes sur de longues distances au cours de leur migration et contaminent les plants de tomate en fin de printemps et durant l’été (fin juin, courant juillet en France). Une fois en contact avec la feuille, elles piquent les vaisseaux du phloème pour se nourrir, injectant ou prélevant des phytoplasmes au passage. Le ou les phytoplasmes, une fois dans l’insecte, se multiplient dans les cellules de la paroi de l’intestin puis la traversent. Ils gagnent ensuite l’hémolymphe et, de là, atteignent divers organes, dont les glandes salivaires, ce qui rend les cicadelles infectieuses. Macrosteles quadrilineatus peut le rester au moins une centaine de jours.
Ces insectes sont généralement occasionnels sur les plantes infectées. Ils sont capables de voler sur de longues distances ou de rester sur place. La date d’apparition des symptômes, qui a lieu généralement 30-45 jours après les contaminations, dépend de la période de migration du ou des vecteurs. La migration est un phénomène complexe qui consiste en un transfert de populations d’insectes de place en place sous la forme de vols de masse. Les causes, mal connues, semblent liées à des conditions locales défavorables aux cicadelles. Parmi les facteurs qui influencent la migration et la nature des vols, on peut citer la faim, le surnombre, la détérioration de l’hôte, la photopériode, une déficience endocrinienne chez l’insecte ou des effets génétiques, la température, le vent… Les insectes préfèrent les plantes jeunes aux tissus succulents : en période de sécheresse, ils passeront ainsi plus volontiers des plantes sauvages aux cultures irriguées. Les étés chauds et secs stimulent la migration de certains vecteurs. Des phénomènes d’appétence sont parfois constatés, mais ils sont mal connus. Les hivers froids contribuent à réduire les populations hivernales.
Ces phytoplasmes sont transmissibles par greffage. Différentes espèces de cuscutes (Cuscuta campestris, C. epilinum, C. trifolii…), plantes parasites sévissant notamment sur tomate (voir page ), sont capables de transmettre les phytoplasmes, et notamment ceux responsables du stolbur. Signalons que des phytoplasmes ont été retrouvées dans des orobanches (Orobanche aegyptiaca) parasitant des racines de tomate, laissant supposer qu’elles pourraient contribuer à leur transmission. Ils ne semblent pas transmissibles par la graine chez les solanacées. Ils ne le seraient pas non plus par les semences de pomme de terre.