Méthodes de protection
Comme de nombreuses bactérioses des végétaux, la moucheture est très difficile à contrôler. Sa maîtrise passera par la mise en place de façon harmonieuse de toutes les mesures préconisées par la suite.
- En cours de culture
Lorsque les premières taches sont constatées dans une parcelle de tomate, il est malheureusement trop tard pour intervenir efficacement : on ne dispose pas de mesures très performantes pour empêcher l’évolution de cette maladie.
Le cuivre* sous la forme de sels peut être employé pour limiter l’extension de cette bactériose : cuivre, cuivre du sulfate, cuivre de l'hydroxyde de cuivre, cuivre de l'oxyde cuivreux, cuivre de l'oxychlorure de cuivre (e-phy). Il n’a qu’un effet préventif à la surface des organes aériens. L’acibenzolar-S-méthyl est maintenant utilisable en France pour contrôler cette bactériose, comme dans d'autres pays.
Signalons que l’utilisation intensive du cuivre (qui n’est pas dégradé dans le sol et s’y accumule) a conduit, au cours des années 1980, à l’apparition de souches plus ou moins résistantes aux sels de ce métal, en particulier sur le continent américain. De plus, comme pour le cuivre, des souches résistantes à la streptomycine sont apparues au cours des années 1960. Enfin, il convient de signaler que dans bon nombre de situations, ces traitements ne suffisent pas à empêcher les épidémies de moucheture lorsque les conditions climatiques sont favorables.
En plus des traitements cupriques, on peut aussi préconiser de réduire les irrigations par aspersion à leur strict minimum et de les réaliser en cours de journée, à un moment où les plantes ressuieront rapidement. De plus, il convient de ne travailler et circuler dans les cultures que lorsque les plantes sont sèches. Une bonne ventilation des cultures permettra de réduire la durée d’humectation du feuillage et donc de prévenir les infections et d’abaisser l’impact de la maladie.
En cours de récolte et en fin de culture, on évitera de laisser des débris végétaux sur le sol ou de les enfouir. Si vous ne pouvez pas faire autrement, l’enfouissement sera profond afin d’activer leur décomposition.
- Culture suivante
En pépinière
Il sera essentiel d’utiliser des graines de qualité sanitaire irréprochable. En cas de doute, leur traitement s’imposera. Plusieurs méthodes ou moyens de désinfection permettent d’éliminer plus ou moins bien les cellules bactériennes présentes sur les graines :
– l’air chaud et sec (70°C durant 96 heures, ce qui semble ralentir la vitesse de germination des graines) ;
– l’eau à 50°C durant 25 minutes ;
– la fermentation de la pulpe et des semences durant 4 à 5 jours ;
– le trempage des graines dans une solution d’acide acétique à 0,8 % durant 24 heures, ou dans de l’acide chlorhydrique à 5 % durant 5 à 10 heures, ou dans de l’hypochlorite de sodium à 1,05 % pendant 20 à 40 minutes ou dans du chlorure de mercure à 0,05 % durant 5 min.
Ces différentes méthodes sont performantes surtout sur les contaminations externes des semences.
Les sols des pépinières seront désinfectés à la vapeur ou à l’aide d’un fumigant. Il en sera de même pour les structures et les parois des abris. Signalons que la solarisation permettrait de réduire les populations bactériennes de P. syringae pv. tomato jusqu’à 30 cm de profondeur dans les sols des pépinières, limitant ainsi sensiblement l’incidence et à un moindre degré, la sévérité de la maladie.
La production de plants en mottes sera préférable ; elle s’effectuera dans des substrats sains et dans divers supports posés sur des tablettes, en aucun cas au contact du sol. L’irrigation par aspersion sera limitée ou organisée de façon à obtenir un assèchement rapide des plants ; on évitera de manipuler ces derniers lorsqu’ils seront encore humides. Les outils seront désinfectés, et les ouvriers se laveront les mains avant et après avoir manipulé des plants. On se méfiera de l’introduction dans l’exploitation de plants d’origine douteuse. Il convient d’être conscient que les plants reçus pourront être apparemment sains, mais héberger la bactérie qui s’exprimera plus tard.
Des traitements* à base de cuivre ou d'Acibenzolar-s-méthyl (e-phy) seront réalisés à plusieurs reprises en pépinière, ceci afin d’assurer la production de plants sains. Ces derniers peuvent être à l’origine de l’introduction de la bactériose dans la culture. La fréquence des traitements variera en fonction de la zone de production et des risques encourus. Par exemple, certains techniciens préconisent des traitements au cuivre débutant 5 jours après émergence et se poursuivant tous les 4 à 5 jours. On achètera des plants indemnes de maladie, de préférence ayant été produits dans des zones semi-arides peu propices à cette bactériose. Dans certains pays, les plants peuvent être certifiés indemnes de cette bactériose.
Au champ
Des rotations de 2 à 3 années seront réalisées avec des plantes non hôtes — notamment des céréales —, qui sont nombreuses étant donné la sélectivité parasitaire de cette bactérie. Les mauvaises herbes devront être éliminées, car un certain nombre d’entre elles permettent sa multiplication et son maintien dans les parcelles. On se méfiera aussi des semis spontanés de tomate dans les parcelles où des gaines se sont conservées.
La fertilisation devra être équilibrée, en aucun cas trop faible ou excessive, car ces deux situations semblent influencer favorablement la moucheture. On préfèrera les irrigations à la raie ou localisées à celles par aspersion.
On évitera de planter trop tôt dans l’année, afin de ne pas exposer les plantes à des températures trop basses et humides. La proximité de cultures de poivron ou d’une autre parcelle de tomate, surtout si elles sont déjà infectées, sera à bannir.
L’application de produits à base de cuivre ou d'Acibenzolar-s-méthyl (e-phy) permettra de retarder le développement et l’extension de cette bactériose. Les pulvérisations devront avoir lieu après plantation et durant la saison. Il sera préférable de traiter les plantes lorsqu’elles seront sèches et juste avant que des pluies soient prévues. En Californie, les applications sont réalisées avant chaque pluie et à une fréquence de 10 à 12 jours quand les conditions climatiques sont froides et humides. Elles sont arrêtées lorsque les températures atteignent 32°C. En France, les traitements contre cette bactériose sont plutôt réalisés en mai et juin.
Une source de résistance a été décrite chez l’espèce sauvage Lycopersicon pimpinellifolium et chez divers cultivars sous la forme d’un gène incomplètement dominant, « Pto ». Les génotypes homozygotes révèlent souvent un meilleur niveau de résistance à cette bactériose. Signalons que l’expression de cette résistance est étroitement associée à un autre locus, « Fen », qui confère une sensibilité à un insecticide de la famille des organophosphorés : le fenthion. La phytotoxicité s’exprime par l’apparition de taches sur folioles similaires à celles provoquées par la bactérie. Cette situation facilite le travail des sélectionneurs qui peuvent utiliser cet insecticide pour cribler leurs collections et améliorer leur matériel végétal. Un certain nombre de cultivars destinés aux cultures de tomate de plein champ possèdent cette résistance. D’autres espèces sauvages seraient résistantes à cette bactérie (Lycopsersicon glandulosum, L. hirsutum et L. peruvianum) et d’autres sources de résistance existeraient.
Notons qu’une souche capable de se développer sur plusieurs cultivars résistants à la moucheture a été signalée en Californie en 1998 et identifiée comme la race 1 de P. syringae pv. tomato. Cette race 1 a aussi été mise en évidence en Italie en 1995 sur un cultivar résistant hétérozygote pour le gène « Pto ». Sa virulence à été confirmée sur la variété ‘Ontario 7710’ qui est homozygote pour ce gène et possède un haut niveau de résistance.
Plusieurs micro-organismes antagonistes, des stimulateurs de défenses naturelles, divers produits, ont été expérimentés avec plus ou moins de succès à l’égard des bactérioses aériennes de la tomate, la moucheture, mais aussi la gale bactérienne. Nous en rapportons ici un certain nombre afin de vous les faire connaître et, pour certaines, de les utiliser si leur emploi est déjà autorisé dans votre pays.
Les micro-organismes que l’on peut citer sont presque uniquement d’autres bactéries : Pseudomonas putida, P. syringae Cit7, Rahnella aquatilis, Cellulomonas turbata, une souche non pathogène de Xanthomonas vesicatoria…
Par ailleurs, des applications foliaires à base de bactériophages ont aussi révélé une certaine efficacité vis-à-vis de la moucheture, surtout si elles étaient réalisées en cours de soirée. Des problèmes de persistance des bactériophages sur le feuillage ont cependant été relevés, ceci à cause des aspersions mais aussi de la présence de certains pesticides.
Plusieurs rhizobactéries stimulant la croissance des plantes (PGPR) comme Pseudomonas fluorescens (associée à une bactérie antagoniste Pseudomonas syringae) ou Azospirullum brasilense (en inoculation des semences et en association avec des traitements foliaires à base de cuivre notamment) ont permis de réduire les attaques de cette bactériose. Il en est de même pour des stimulateurs des défenses naturelles* des plantes (SDN) comme l’acibenzolar-S-méthyl (e-phy). Ce composé permettrait de réduire le nombre de symptômes présents sur les feuilles, mais aussi sur les fruits. Notons qu’il est aussi associé avec succès aux États-Unis à des traitements à base des bactériophages précédemment signalés ou de l’association cuivre + mancozèbe.
Enfin, un produit associant du peroxyde d’hydrogène, de l’acide acétique et l’ion fer permettrait de limiter le niveau des populations bactériennes présentes sur les plantes. Certains composts, utilisés en solutions aqueuses et pulvérisés sur les plantes, limiteraient la sévérité de la maladie. Il en serait de même pour l’huile d’Azadirachta indica, des émulsions à base de poisson, le ligno-sulfonate d’ammonium et le phosphate de potassium.
* Lutte chimique : Le nombre de pesticides disponibles pour un usage donné évoluant en permanence, nous vous conseillons de toujours confirmer votre choix en consultant le site e-phy du ministère de l’agriculture et de la pêche qui est un catalogue en ligne des produits phytopharmaceutiques et de leurs usages, des matières fertilisantes et des supports de culture homologués en France. Cette remarque est également valable pour tous les produits biologiques à base de micro-organismes ou de substances naturelles.