Phytophthora cinnamomi et cambivora
La maladie de l'encre du châtaignier
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Position systématique : Chromista - Oomycète - Peronosporales
Hôtes habituels : chênes, châtaigniers
Hôtes possibles : très nombreuses espèces d'arbres dont le pin, l'eucalyptus et des espèces ornementales
Localisation sur l'hôte : racines et collet
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Biologie
Les phytophthoras sont des micro-organismes eucaryotes appartenant au groupe des Oomycètes proches morphologiquement des champignons mais génétiquement très distincts. La plupart des espèces vivent et se multiplient dans le sol et infectent les racines d'un grand nombre de plantes hôtes. D'autres infectent les rameaux et les feuilles.
Les phytophthoras produisent dans l'eau des spores munies de deux flagelles qui permettent une autonomie de déplacement à courte distance : il s’agit des zoospores. Ce sont ces spores qui infectent les racines. Leur déplacement est favorisé par la présence d'eau. La maladie se développe donc bien dans les milieux riches en eau (fonds de vallond, sols hydromorphes, zones inondables, bord de cours d'eau...) ou ne permettant pas la bonne évacuation de l'eau (sols argileux, mal drainés, tassés...).
Les zoospores sont attirées chimiquement par les petites radicelles. Au printemps, elles s'enkystent au bout des racines et germent. Le mycélium progresse au sein du système racinaire en tuant les tissus racinaires, des petites racines vers les plus grosses et parfois jusqu'au collet. Lorsque les conditions ne sont pas favorables à la germination, des spores de conservation (chlamydospores) peuvent resister dans le sol plusieurs années.
Les phytophthoras sont sensibles aux températures. La maladie est ainsi présente dans l'ouest de la France, dans les régions sous influence océanique. Plus à l'Est, elle est limitée par les hivers rigoureux. Elle est absente dans les châtaigneraies d'Alsace et des Alpes.
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Symptômes et éléments de diagnostic
Les deux espèces de Phytophthora engendrent les mêmes symtpômes : la destruction de tout ou partie du système racinaire aboutissant à la dégradation de son houppier, voire à la mort de l’arbre.
Sur châtaignier (très sensible) :
- nécroses de couleur brun à noir sur les racines
- nanifications des feuilles
- pousses chétives
- coloration anormale du feuillage (jaune, rouge)
- feuilles marcescentes
- déssechements de rameaux
- mortalités de branches
- nécrose cambiale en flamme au collet entourée d'un liseret noir avec parfois écoulement de sève noire oxydée à l'air (d'où le nom d'encre). Ce symptôme est rare sur châtaignier (il n'a pas le temps de s'exprimer avant la mort de l'arbre).
- mort de l'arbre.
L'encre est une maladie qui progresse par taches à partir des premiers arbres infectés de proche en proche. La dissémination à longue distance est possible via le transport de sol et de plants infectés.
Sur le terrain, le diagnostic est toujours délicat. Chez les chênes, l'écoulement de sève et la nécrose en flamme sont assez caractéristiques. Mais ce phénomène est moins fréquent chez le châtaignier. Des tests rapides de terrain Elisa permettent d'identifier la présence de Phytophthora sans distinction de l'espèce. En laboratoire, l'isolement est difficile. Les échantillons envoyés pour diagnostic doivent être prélevés à la marge de la partie saine et nécrosée du bois, de préférence au printemps et en été.
L'arrachage d'un semis et l'examen de son système racinaire (nécrosé et appauvri en cas de présence du pathogène) est aussi un bon indicateur de la présence d'encre sur la parcelle.
La présence en France des phytophthoras dans le sols est donc peut-être sous-estimée. C'est surtout vrai dans les châtaigneraies qui présentent des symptômes peu caractéristiques et peu discriminants.
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Dégâts
Phytophthora cinnamomi et P. cambivora sont des agents pathogènes connus depuis de nombreuses années comme responsable de la maladie de l'encre sur le chêne et le châtaignier. Etant très polyphage, ils sont capables d'infecter un grand nombre d'espèces d'espèces ornementales et d'arbres forestiers. P. cinnamomi est un parasite exotique : depuis son aire d'origine en Asie du sud-est, il s'est répandu à travers le monde occasionnant des dépérissements importants (notamment sur Eucalyptus en Australie et avocatier). En France, le châtaignier est l'une des essences les plus sensibles avec le chêne vert et le chêne liège. Les arbres sont tués quelque soit l'âge ou la dimension de l'arbre. Le chêne rouge et le chêne pédonculé sont aussi des espèces sensibles mais dont le système racinaire est moins impacté. Le chêne sessile est plus tolérant et peut être envisagé comme essence de remplacement.
En Europe, la maladie de l'encre du châtaignier fait parler d'elle à la fin du XIX siècle en Italie et en Espagne. En France, on date son arrivée dans le Pays Basque en 1860. Jusqu'en 1950 elle gagne la châtaigneraie française occasionnant de gros dépérissements dans la châtaigneraie à fruit. A partir de 1950, elle se fait plus rare: des porte-greffes résistants (chinois et japonais) sont utilisés en castanéiculture ; en forêt, la maladie occasionne peu de dommmages jusqu'à la fin du XXe siècle.
Cependant, depuis les années 2000, la maladie est en recrudescence en forêt. Cette augmentation est liée à une alternance de périodes humides et de périodes de sécheresses (1999-2002 années humides et 2003 sécheresse/canicule; 2013-2014 humides et 2015 sèches; printemps 2016 humide et été 2016 très sec ; printemps 2018 humide et été 2018 sec). Les périodes arrosées favorisent la production et la dissémination de spores et les périodes de stress hydrique sont préjudiciables aux châtaigniers attaqués qui n'ont plus le système racinaire suffisant pour compenser le manque d'eau. De plus, les hivers doux favorisent la survie du pathogène dans le sol. Un réchauffement climatique serait favorable à P. cinnamomi, d'autant plus que cette espèce est thermophile (optimum à 24-26°C).
Les dégâts peuvent être amplifiés par des pratiques favorisant l'eau comme les tassements de sols et dans les sol à tendance argileuse, avec traces d'hydromorphie à moins de 50 cm de profondeur.
Pour limiter les dégâts :
- éviter l'introduction des phytophthoras en garantissant des plants de qualité non infectés, en favorisant les plants en racines nues (moins de terre), sur sol bien drainé,
- éviter les coupes trop fortes qui remontent la nappe, et les tassement de sol,
- mettre en place des cloisonnements, réaliser le débardage sur sol ressuyé.
Le pathogène n’affecte pas directement la qualité du bois.
Pour info:
- Fiche encre du chêne (Phytophthora cinnamomi et cambivora sur chêne)